Une Exploration des Lois et des Droits des Photographes – Reportage exclusif
Nous sommes ravis de vous présenter un reportage exclusif sur la photographie de rue en France, réalisé en collaboration avec Maître Jean-Emmanuel Medina, docteur en droit et avocat au barreau de Strasbourg. Avec sa précieuse expertise en droit de la propriété intellectuelle en tant qu’enseignant à l’Université de Strasbourg, Maître Medina nous aide à mieux comprendre les lois et les restrictions entourant la pratique de la photographie de rue.
Lorsqu’il s’agit de photographie de rue, il est essentiel de connaître les lois en vigueur en France. Dans cet article, nous explorerons les différentes législations, les droits et les limites des photographes, ainsi que les problèmes juridiques auxquels ils peuvent être confrontés et les mesures pour les éviter.
La photographie de rue englobe toute activité photographique réalisée dans un lieu public. Bien qu’il soit généralement autorisé de prendre des photos dans un lieu public, des restrictions peuvent s’appliquer à certains endroits spécifiques tels que des espaces fermés ou souterrains. Il est donc essentiel de comprendre les limites et les autorisations nécessaires dans chaque situation. C’est pourquoi nous avons eu l’opportunité de rencontrer Maître Jean-Emmanuel Medina, très au fait des questions relatives aux règles juridiques qui entourent la photographie, pour répondre à nos questions et éclairer ce sujet complexe.
On pose quelques questions à Me Medina:
Me Medina: Quand on parle de photo de rue, on fait allusion à toute activité photographique réalisée dans un lieu public. Cette pratique fait référence à la photographie en tant que telle dans les rues d’une ville, mais aussi plus largement dans les espaces publics. Prendre des photos dans un lieu public est autorisé. Certains lieux comme les espaces fermés ou souterrains sont des lieux privés qui peuvent imposer une autorisation pour y exercer la photographie.
SPF: Quels sont les droits et les limites des photographes de rue en ce qui concerne la prise de photos de personnes
sans leur consentement ?
Me Medina : La prise d’image dans un lieu public est autorisée par la loi. Toutefois, leur utilisation peut poser difficulté car elle peut se heurter au droit à l’image des personnes photographiées. Utiliser une image, c’est diffuser, publier, reproduire ou commercialiser l’image potentielle d’un tiers. En France, l’article 9 du code civil traite spécifiquement du respect de la vie privée. Aussi, en vertu du droit précité, il sera nécessaire d’obtenir l’accord écrit des personnes prises en photo avant de diffuser une image.
SPF : Existe-t-il des situations où les photographes de rue ont besoin d’une autorisation ou d’un consentement explicite des personnes qu’ils photographient ?
Me Medina : Soyez rassurés, toutes les situations n’entraînent pas spécifiquement l’obligation pour le photographe de demander l’accord des personnes impliquées sous réserve que leur dignité soit respectée.
- pour les personnes lorsqu’elles ne sont pas identifiables (être identifiable, c’est l’être par soi-même et par un tiers).
- pour toute image d’une personnalité publique dans l’exercice de ses fonctions si le but de l’image est d’informer.
- pour les images de groupe ou les scènes de rue dans un lieu public si aucune personne n’est individualisée, et dans la limite du droit à l’information.
- pour toute image d’un événement d’actualité ou d’une manifestation publique (dans la limite du droit à l’information et à la création artistique).
- pour toute image illustrant un sujet historique.
SPF : Quels sont les principaux problèmes juridiques auxquels les photographes de rue sont confrontés en France, et comment peuvent-ils les éviter ?
- Code de procédure civile : articles 484 à 492-1
- Code pénal : articles 226-1 à 226-7, Atteinte à la vie privée
- Code pénal : articles 226-8 à 226-9, Atteinte à la représentation de la personne
- Code civil : articles 7 à 15, respect de la vie privée (article 9)
- Loi n°78-17 du 6 janvier 1978 – Informatique et libertés (article 110)
- Règlement (UE) 2016/679 relatif à la protection des personnes physiques à l’égard du traitement des données à caractère personnel, Droit à l’effacement ou «droit à l’oubli» (article 17)
Me Medina: Si vous vous trouvez sur la voie publique et que vous êtes pris à partie, ne vous énervez pas car cela ne ferait qu’augmenter l’agacement voire l’agressivité des personnes qui se disent photographiées à leur insu. Rassurez calmement la ou les personnes qui vous interrogent. Vous pouvez également leur montrer que vous ne les avez pas spécifiquement photographiées mais que seul le fond était visé. Devant quelqu’un qui vous interroge avec défiance, il faut connaître ses droits quant à la photographie de rue mais ne jamais les invoquer car cela peut déclencher chez l’autre une soudaine envie d’exploser. Surtout, ne pas laisser quelqu’un s’emparer de votre appareil parce qu’il pourrait dans un excès de colère le détruire. Si vous recevez un courrier ou un email d’un tiers, je vous invite à contacter un professionnel du droit afin de rédiger une réponse précise et circonstanciée car tout ce que vous écrirez pourra être produit en justice par votre éventuel adversaire.
SPF : Quels sont les droits des photographes de rue lorsqu’ils se trouvent sur des propriétés privées ou des lieux publics réglementés ?
Me Medina : Il est possible de photographier la propriété d’un tiers sans son accord. Le propriétaire d’une chose ne dispose pas d’un droit exclusif sur l’image de celle-ci mais peut s’opposer à l’utilisation de cette image s’il prouve que cette utilisation lui cause un trouble anormal. La règle vaut pour tous les biens immobiliers et mobiliers. Il est possible de photographier une maison depuis la route, par contre, il est interdit de pénétrer dans une propriété privée sans autorisation. Certains lieux publics peuvent limiter le droit de prendre des photographies afin d’assurer la sécurité des lieux et/ou la pérennité des objets photographiés (exp: La Chapelle Sixtine au Vatican, le bureau ovale de la Maison Blanche à Washington…).
SPF : Quelles sont les conséquences légales possibles pour les photographes de rue qui enfreignent les lois ou les droits des individus ?
Me Medina : Avant de publier une photo, il faut recueillir l’accord écrit des personnes si elles sont identifiables (et l’accord des parents pour les personnes mineures). A défaut, ces dernières pourront exiger le retrait de l’image diffusée, porter plainte pour atteinte à la vie privée et éventuellement demander des dommages et intérêts. Du point de vue pénal, publier une photo d’une personne sans son accord expose à 1 an d’emprisonnement et 15 000 euros d’amende.
SPF : Y a-t-il des différences entre la législation française et celle d’autres pays en ce qui concerne la photographie de rue ?
Me Medina : L’équilibre entre le droit à photographier dans un lieu public et le droit à l’image des particuliers peut sensiblement varier d’un pays à l’autre. Il est donc conseillé de bien se renseigner avant d’effectuer un voyage à l’étranger, de manière à éviter tout problème et à exercer la photographie de rue en toute quiétude.
SPF : Quels sont les recours juridiques disponibles pour les photographes de rue en cas de violation de leurs droits ou
de leurs photographies ?
Me Medina: La reproduction ou la représentation d’une photographie par quelque moyen que ce soit, imprimé ou numérique, à titre gratuit ou payant, est subordonnée à l’autorisation du photographe ou de ses ayants droits. Comme le précise le Code de la propriété intellectuelle, le non-respect de cette règle constitue un délit de contrefaçon. Toute photo publiée sur tout support ne peut l’être sans l’autorisation expresse de son auteur. Si vous êtes l’auteur d’une photo utilisée sans votre autorisation, vous êtes en droit de demander le retrait de la publication. Si l’une de vos photos est ainsi publiée dans la presse ou sur internet vous êtes en droit d’exiger que votre nom soit mentionné.
Me Medina : Selon l’article L.112-2 9° du Code de la propriété intellectuelle, les photographies sont considérées comme étant des œuvres de l’esprit. A ce titre les photographes bénéficient d’une protection sur leurs œuvres au titre des droits d’auteur selon les articles L. 111-1 et suivants du Code de la propriété intellectuelle, à la condition qu’ils puissent justifier de l’originalité de leurs photographies. A contrario, la photographie ne sera pas considérée comme originale si elle constitue « la banale reprise d’un fonds commun non appropriable » (TGI Paris, 3e ch., 1re sect., 21 mai 2015 n° 14/03863). Selon la Cour de justice de l’Union européenne, l’empreinte de la personnalité de l’auteur s’apprécie en fonction de « (…) ses capacités créatives lors de la réalisation de l’œuvre en effectuant des choix libres et créatifs » (CJUE, 1er décembre 2011, aff. C-145/10).
