Patrick Pontoreau : penser la photographie de rue comme un langage sensible

Il marche dans la rue sans chercher le spectaculaire, attentif aux détails que d’autres oublient de voir. Patrick Pontoreau photographie les instants qui se présentent à lui avec discrétion, patience et curiosité. Autodidacte éclairé, il s’est nourri d’ouvrages et de regards pour affiner le sien, sans jamais chercher à reproduire. Pour lui, la photographie de rue n’est ni une performance, ni une chasse : c’est une manière d’habiter l’espace, d’en révéler la poésie discrète et la profondeur humaine. Ses images racontent des histoires simples, souvent fugitives, mais toujours authentiques. Dans cet entretien, il revient sur son parcours, sa pratique et sa vision sensible d’un art profondément ancré dans le quotidien.

On pose les questions à Patrick …

Dans cette interview, Patrick partage avec nous son parcours photographique.

SPF : Comment avez-vous découvert la photographie de rue ?
Patrick Pontoreau : J’ai découvert la photographie de rue en consultant des ouvrages spécialisés que j’avais soit empruntés, soit achetés. En observant les images et les approches des photographes, j’ai reconnu dans ce style une proximité avec ma propre manière de photographier. Je me suis aperçu que, de façon naturelle, j’avais déjà tendance à capter des instants de vie, des scènes quotidiennes et des rencontres fortuites dans l’espace public. Cette découverte a confirmé que la photographie de rue correspondait à ce que je faisais déjà avec plaisir.

SPF : Depuis combien de temps pratiquez-vous la photographie de rue ?
Patrick Pontoreau : Avant même de connaître le terme, il m’arrivait déjà de photographier des scènes de rue de manière intuitive, sans en avoir pleinement conscience. Avec le temps, j’ai découvert que ce type d’images correspondait à un genre photographique à part entière. J’ai alors choisi d’orienter plus clairement ma pratique vers cette approche, que je trouve à la fois vivante et stimulante. Cela fait maintenant environ cinq ans que je me consacre plus activement à la photographie de rue.

SPF : Avez-vous suivi une formation en photographie, ou êtes-vous autodidacte ?
Patrick Pontoreau : Je n’ai suivi aucune formation en photographie, mais je me considère comme un autodidacte éclairé. La lecture de nombreux ouvrages de grands photographes, ainsi que l’observation du travail de photographes contemporains sur les réseaux, m’ont beaucoup apporté. Mon objectif n’a jamais été de copier ces images, mais plutôt de comprendre ce qui fait qu’une photographie peut transmettre une émotion ou raconter une histoire. Ces influences m’ont permis de construire progressivement ma propre approche et ma sensibilité à la photographie de rue.

SPF : Quel matériel utilisez-vous pour la photographie de rue (appareil photo, objectifs, accessoires, etc.) ?
Patrick Pontoreau : J’utilise du matériel discret pour la photographie de rue. Après avoir délaissé mes appareils Reflex, lourds et peu discrets, j’ai commencé avec un simple Fuji X10, puis je suis passé aux Fuji X100S et X100F. Ce choix m’a permis de capturer les instants de vie de manière spontanée et non intrusive, sans gêner les personnes ou l’ambiance que je souhaitais saisir.

SPF : Avez-vous un équipement préféré pour la photographie de rue, et pourquoi ?
Patrick Pontoreau : Oui, j’ai un équipement préféré : je ne possède qu’un seul appareil afin de pouvoir le maîtriser parfaitement et obtenir rapidement et avec précision ce que je souhaite. Actuellement, j’utilise un Fuji XT5, avec soit un objectif 27 mm, soit un 17-80 mm. Le 27 mm me permet de créer un lien plus direct avec les personnes photographiées, tandis que le 17-80 mm est plutôt utilisé lorsque je souhaite intégrer les personnages dans des éléments d’architecture ou de décor. Cette approche me permet de rester rapide, discret et précis dans ma pratique.

SPF : Comment définiriez-vous votre style en photographie de rue ?
Patrick Pontoreau : J’aime figer les situations et capturer des instants de vie. Parfois, je cherche un cadre ou un décor et j’attends qu’une interaction s’y produise, tandis que d’autres fois, je me laisse guider par mes pas à la recherche de scènes intéressantes. Je ne me fixe pas de thème particulier, car je considère que les séries se révèlent naturellement avec le temps, au fil des observations et des expériences. Mon style se construit donc autour de la spontanéité, de l’attention à la composition et d’une narration dans chaque image. Et je n’accorde que très peu d’importance aux règles de cadrage. Ce qui me semble important, c’est que tout ce qui est sur l’image apporte quelque chose à l’histoire sans qu’un détail non désiré ne vienne en détourner le sens ou l’attention.

SPF : Y a-t-il des photographes de rue qui vous inspirent ?
Patrick Pontoreau : Bien entendu, plusieurs photographes de rue m’inspirent. Parmi les plus célèbres, je pourrais citer Elliott Erwitt, Martin Parr, Henri Cartier-Bresson, Rodney Smith, Joel Meyerowitz… Mais je suis également très sensible au travail de nombreux amateurs, qui, selon moi, réalisent des images tout à fait remarquables. Le dernier en date à m’avoir particulièrement inspiré est Fabrice Mercier, que j’ai découvert grâce à Street Photography France. Ces influences m’aident à nourrir ma propre pratique et à affiner mon regard.

SPF : Pouvez-vous partager une de vos photos de rue préférées et raconter son histoire ?
Patrick Pontoreau : Il y a tellement d’histoires derrière de nombreuses photographies que le choix est difficile. J’aime particulièrement une image prise dans une rue de Bundi, en Inde. J’ai entendu quelqu’un courir puis apparaître au détour d’une ruelle. Je n’étais pas totalement prêt, mais j’ai réussi à capturer cet instant en une seule prise. Sur l’écran de l’appareil, je n’étais pas satisfait : le sujet n’était pas parfaitement net, et j’avais mis cette photographie de côté. Ce n’est que bien plus tard, en triant mes images, que j’ai réellement apprécié cette photo spontanée : les tuyaux coudés qui évoquent les jambes de la jeune fille, et ses cheveux qui semblent laisser une trace sur le mur. Ce jour-là, j’ai compris que la force d’une image ne réside pas dans sa perfection technique, mais dans l’émotion qu’elle suscite.

SPF : Quels sont les défis auxquels vous êtes confronté en pratiquant la photographie de rue ?
Patrick Pontoreau : Au début, le principal défi était la peur de la réaction des personnes que je photographiais. Avec un peu de pratique, cette peur s’est transformée en excitation et en anticipation. La discrétion reste également un enjeu important : il s’agit de ne pas perturber la scène pour ne pas en dénaturer l’histoire. Enfin, la rapidité de jugement et d’exécution est essentielle en photographie de rue, car de nombreux instants se jouent en une fraction de seconde. Il est tellement fréquent de manquer des images précieuses car on n’est pas prêt.

SPF : Pouvez-vous partager une expérience mémorable que vous avez vécue tout en faisant de la photographie de rue ?
Patrick Pontoreau : Je me souviens d’une expérience particulièrement mémorable : j’avais photographié un homme et son enfant qu’il tenait par la main. Il a engagé la conversation avec moi, car c’était lui-même un photographe professionnel. Il était enthousiaste à l’idée de recevoir la photo, ce que j’ai accepté bien sûr. Quelques semaines plus tard, il m’a envoyé un message pour me montrer l’image encadrée dans son salon. Il m’a expliqué que j’avais saisi un moment très particulier de leur vie : quelques heures après avoir pris cette photographie, sa femme venait d’accoucher et leur fils allait accueillir une petite sœur. Cette rencontre et ce retour m’ont profondément marqué, rappelant la dimension humaine et imprévisible de la photographie de rue.

SPF : Comment gérez-vous les questions d’éthique liées à la photographie de rue, en particulier en ce qui concerne la vie privée des sujets ?
Patrick Pontoreau : Je suis très vigilant quant au respect de la réglementation et m’efforce de réaliser des images bienveillantes. Pour anticiper tout souci éventuel, j’ai mis en place sur mon site web un petit récapitulatif des droits liés à la pratique artistique de la photographie de rue. J’y présente également mes images afin de montrer de manière transparente l’usage qui en est fait, ce qui permet de rassurer les sujets et de rester fidèle à une approche éthique et respectueuse. Lorsqu’il me semble que cela peut poser problème, je demande systématiquement une autorisation.

SPF : Avez-vous déjà eu des situations délicates en photographie de rue et comment les avez-vous gérées ?
Patrick Pontoreau : Il ne m’est arrivé qu’une seule situation délicate. Alors que je photographiais une élève et son professeur de musique, le directeur du lieu culturel est intervenu en m’accusant de prendre des photos pour des sites peu recommandables. J’ai alors pris le temps de lui rappeler mes droits en tant qu’artiste et de lui montrer mon travail, ce qui a permis de clarifier la situation et de rétablir la confiance. Cette expérience m’a rappelé l’importance de rester courtois et transparent dans ce type de contexte.

SPF : Quels conseils donneriez-vous aux débutants qui souhaitent se lancer dans la photographie de rue ?
Patrick Pontoreau : Je conseillerais aux débutants de se munir d’un équipement simple et discret, idéalement un appareil avec une focale fixe 28, 35 ou 50 mm. Ensuite, il n’y a pas de secret : il faut sortir, observer, se promener et pratiquer autant que possible. La photographie de rue s’apprend surtout par l’expérience, la patience et l’attention aux détails du quotidien. Plus on pratique, plus on développe son œil et sa sensibilité.

SPF : Avez-vous des recommandations pour développer sa créativité en photographie de rue ?
Patrick Pontoreau : Ne pas faire de la photographie pour les autres, mais pour soi.

SPF : Avez-vous des projets ou des objectifs futurs en photographie de rue que vous aimeriez partager ?
Patrick Pontoreau : Oui, j’ai pour projet de mettre en avant, à travers des portraits, les personnes qui travaillent dans la rue. Mon objectif est de raconter leurs histoires, de montrer leur quotidien et de révéler la richesse humaine que l’on croise souvent sans y prêter attention.

SPF : Prévoyez-vous de participer à des expositions ou des publications prochainement ?
Patrick Pontoreau : Quelques projets en 2026 liés à la sortie récente de mon livre de photographie Georgette, lève-toi.

SPF : Comment avez-vous rejoint Street Photography France ?
Patrick Pontoreau : Ça faisait quelques mois que j’avais envie de rejoindre cette communauté. Et en septembre, je me suis lancé.

SPF : Quels avantages trouvez-vous dans l’appartenance à cette communauté ?
Patrick Pontoreau : La photographie de rue, c’est avant tout la rencontre avec les autres. Pour moi, il était donc important de rejoindre une communauté de personnes partageant la même passion, afin d’échanger, d’apprendre et de promouvoir ensemble cette branche particulière de la photographie. Ces interactions nourrissent et stimulent, tout en créant des liens avec d’autres passionnés.

SPF : Avez-vous des projets ou des idées pour renforcer la communauté de Street Photography France ?
Patrick Pontoreau : Aller à la rencontre de ceux qui pratiquent la photographie de rue loin des grandes villes. Selon moi, il existe des gisements de créativité très riches à explorer et à développer.

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