Paris à travers l’objectif : Paul Berenson capture l’essence de la vie quotidienne dans ses photographies de rue
Dans les rues animées de Paris, la photographie de rue prend vie à travers l’objectif de Paul Berenson, membre mensuel passionné de Street Photography France. Pour Paul, Paris offre un décor de théâtre extraordinaire qui ouvre un champ infini de possibilités photographiques. Ses clichés captivent l’attention en replaçant les sujets dans leur environnement, révélant ainsi l’essence même de la vie quotidienne dans la capitale française.
L’utilisation de la couleur et du noir et blanc est une caractéristique intéressante dans le travail de Paul. Pour lui, le choix entre ces deux modes ne se fait pas avant de prendre la photo, mais plutôt lors du processus de développement. Il affirme que la couleur doit apporter une contribution significative à l’image, renforcer son impact visuel, tandis que le noir et blanc ajoute une dramaturgie, un romantisme ou un graphisme spécifique à certaines situations. Paul souligne l’importance de la couleur en tant que paramètre exigeant, qui doit soutenir l’image de manière significative.
En tant que contributeur régulier au magazine Street Photography France, Paul ne revendique pas une prétention particulière, mais se réjouit de l’émergence de supports qui promeuvent la photographie de rue en tant qu’art et moyen de documenter la société. Pour lui, la reconnaissance de la street photography en tant que discipline photographique à part entière est essentielle. Ces plateformes offrent un centre d’excellence et un lieu d’émulation où les travaux des autres photographes ouvrent des pistes d’amélioration.
Paris, avec sa richesse culturelle et son ambiance unique, offre à Paul un terrain de jeu sans fin pour exprimer sa passion pour la photographie de rue. Du Paris touristique aux quartiers branchés et authentiques, en passant par les événements et le travail des « petites mains de l’ombre », les sujets ne manquent pas et Paul se sent comme un explorateur inlassable. Il avoue humblement qu’une seule vie ne serait pas suffisante pour couvrir tous les aspects fascinants de la ville lumière à travers son objectif.
Lorsqu’on lui demande comment il parvient à capturer l’essence de la vie quotidienne dans ses photos de rue, Paul explique qu’il cherche à combiner trois éléments clés : la situation, le cadre et l’esthétique. Il observe attentivement son environnement, attendant le moment parfait où tous ces éléments se réunissent harmonieusement. Pour lui, la lumière joue un rôle crucial dans l’esthétique de ses photographies, et il n’hésite pas à attendre patiemment l’instant décisif avant de déclencher, laissant son instinct guider son choix.
On pose les questions à Paul…
Dans cet entretien exclusif, Paul nous dévoile sa vision artistique, ses défis et ses rencontres mémorables, tout en partageant des conseils précieux pour les photographes de rue débutants. Préparez-vous à découvrir les rues de Paris à travers les yeux d’un artiste passionné et talentueux.
SPF : Qu’est-ce qui vous attire dans la photographie de rue à Paris, et en quoi cela diffère-t-il de photographier dans d’autres villes du monde ?
Paul : Déjà Paris est un décor de théâtre extraordinaire. J’aime les photos de rue qui replacent le sujet dans son environnement. Or le cadre unique de Paris ouvre un champ infini de possibilités que je suis très loin d’avoir exploré. Il y a le Paris touristique, branché, authentique, des événements mais aussi le travail de toutes les petites mains de l’ombre … les sujets sont infinis et je n’aurais jamais assez de vies pour tous les explorer !
Photographier d’autres villes du monde ? J’ai besoin d’être chez moi, en confiance, de bien connaître les lieux. Il y a deux approches photographiques d’une ville, soit on la connait sur le bout des doigts, soit on la découvre avec spontanéité et candeur … et pour l’instant dans le second cas j’ai tendance à faire « des photos de touristes » que j’efface immédiatement !
SPF : Comment parvenez-vous à capturer l’essence de la vie quotidienne dans vos photos de rue ? Y a-t-il une approche particulière que vous suivez ?
Paul : Pour l’instant (car je travaille à faire évoluer mon approche photographique) j’essaie de capter des situations ordinaires dans des cadres exceptionnels. J’essaie de combiner un triptyque : situation – cadre – esthétique. L’esthétique étant très souvent dépendant par la lumière. Pas de lumière, pas de photos ! J’attends l’instant et je déclenche à l’instinct.
SPF : L’utilisation de la couleur et du noir et blanc dans votre travail est très intéressante. Pourquoi choisissez-vous parfois de photographier en couleur et d’autres fois en noir et blanc ? Quelle influence cela a-t-il sur la façon dont vous racontez une histoire à travers vos images ?
Paul : C’est une excellente question à laquelle j’ai mis du temps à répondre.
Je shoot en RAW. Au moment d’appuyer sur le déclencheur je suis incapable de dire si ma photo sera meilleure en couleur ou en noir et blanc. Après il y a une règle que je me suis fixée au développement : soit la couleur apporte une contribution à l’image, soit elle n’en apporte pas. La couleur n’est pas juste là « pour faire joli », elle doit soutenir l’image. La couleur est un paramètre supplémentaire extrêmement exigeant. Elle apporte une dimension plus complexe qu’en noir et blanc. Aujourd’hui, l’avantage du numérique est qu’il permet une colorimétrie très pointue. J’ai commencé avec le noir et blanc car je ne me sentais pas capable d’affronter le défi (immense) de la couleur. Le noir et blanc apporte une dramaturgie, un romantisme ou un graphisme qui correspondent à des situations bien spécifiques et je trouve qu’on l’utilise souvent à mauvais escient pour masquer l’inconsistance de certaines prises de vues.
SPF : En tant que contributeur régulier au magazine Street Photography France, comment pensez-vous que votre travail contribue à la reconnaissance de la photographie de rue en tant qu’art et moyen de documenter la société ?
Paul : Je n’ai pas autant de prétention ! Je suis très content que se développent des supports tel que Street Photography France pour promouvoir la photographie de rue. C’est une discipline extrêmement exigeante qui peut, parfois, avoir du mal à trouver la reconnaissance. La Street Photographie est une discipline photographique à part entière. Avoir un centre d’excellence, un lieu d’émulation, où le travail des autres ouvre des pistes pour s’améliorer est extrêmement positif.
SPF : Quelles sont certaines des rencontres les plus mémorables que vous avez faites lors de vos séances de prise de vue dans les rues de Paris ? Y a-t-il une histoire particulière qui vous a marqué ?
Paul : Il devait être autour de huit heure, un matin de décembre. Un vent polaire balayait le Trocadéro. Il n’y avait encore aucun touriste en vue. La lumière était très moyenne, grise, blafarde. J’étais tout seul avec les vendeurs de souvenirs qui s’étaient abrités dans un recoin autour d’un thermos. Ils ont compris que je n’étais pas un touriste et l’un d’eux m’a proposé un gobelet de café. Malgré les conditions très dures, ils avaient une vraie joie de vivre. Un vrai plaisir d’être là. J’ai pris la photo de l’un d’eux, seul au milieu de l’esplanade glacée, qui partait rejoindre sa place. J’ai trouvé cette photo très symbolique de leur solitude malgré la foule qui allait les entourer et s’emparer des lieux.
SPF : Les photographes de rue sont souvent confrontés à des défis tels que la discrétion, le respect de l’intimité des sujets et la réaction parfois négative des personnes photographiées. Comment gérez-vous ces défis et maintenez-vous l’éthique de la photographie de rue ?
Paul : Je ne prends jamais de photo de personnes qui soient reconnaissables isolement sans leur accord.
J’ai une approche de photographie « immersive » où j’essaie de me trouver au milieu de mes sujets. J’ai fait mien ce conseil de Robert Capa « Si vos photos ne sont pas assez bonnes, c’est que vous n’êtes pas assez près. » Au fil du temps et de l’expérience, je me suis énormément rapproché. Lorsque j’étais plus jeune je shootais « à la ceinture » (avec une bonne connaissance de son appareil et un peu d’entrainement, on y arrivait). Aujourd’hui avec les écrans orientables, c’est un jeu d’enfant !
Je me fonds dans la foule et je me poste sur des spots « photogéniques » dont je connais l’orientation par rapport à la lumière. Je me cale généralement le dos à un réverbère ou dans un pan de mur, et j’attends qu’une scène émerge. En général à Paris, il ne faut pas très longtemps ! Je dirais que ce type de photos représente les deux tiers de mes prises. Le reste est spontané, à la volée sur des shoots d’opportunités. L’avantage de Paris, c’est que tout le monde se prend en photo, et il est très rare que les gens s’en rendent compte.
SPF : La photographie de rue est souvent considérée comme un moyen de saisir l’instant décisif. Pouvez-vous partager une expérience où vous avez réussi à capturer un moment particulièrement spécial ou unique dans vos photos ?
Paul : Je suis un témoin des petits instants du quotidien. 99,9 % de son temps, le photographe de rue mettra en valeur des instants insignifiants. Je dirais que le challenge est justement d’arriver à les sublimer pour en faire quelque chose d’unique. Les purs moments d’exception sont rares. Nous assistons plutôt à une accumulation de petits instants uniques. Par exemple ce couple de Chinois qui venait prendre ses photos de mariage devant la tour Eiffel. Soudain un rayon de soleil perce la grisaille du ciel et le marié tire sa femme vers la lumière devant l’objectif de leur photographe. Ce n’est rien et unique à la fois.
SPF : Avez-vous déjà exploré d’autres formes de photographie en dehors de la photographie de rue ? Si oui, en quoi diffèrent-elles de votre approche habituelle ?
Paul : Je suis assez perfectionniste et je ne vais jamais sur des terrains où je ne me donne pas tous les moyens pour aboutir à un résultat à peu près satisfaisant. Les domaines d’exploration photographiques sont si vastes ! Il faut se sentir à l’aise avec la pratique.
Je teste (à petite dose) le portrait. Cela requiert la maîtrise de la lumière et l’interaction avec son sujet. C’est différent de la Street qui est une discipline de chasseur où il faut avoir préparé ses réglages à l’avance et être constamment en éveil. Je suis extrêmement concentré lorsque mon cerveau passe en mode « photo ». Le portrait est différent, plus posé, plus préparé, plus travaillé. Les membres de ma famille essuient les plâtres … lorsque je serais opérationnel, j’ouvrirais peut-être l’expérience à d’autres personnes. L’urbex me tente aussi beaucoup pour le caractère graphique que l’on peut en tirer. Mais je sais que « ma maison » est la Street pour son côté unique et imprévisible.
SPF : Comment votre vision artistique a-t-elle évolué au fil des années en tant que photographe de rue ? Y a-t-il des thèmes ou des sujets récurrents qui ont émergé dans votre travail au fil du temps ?
Paul : J’essaie sans cesse d’améliorer mon approche sur des points qui me tiennent à cœur : la lumière, l’immortalisation du mouvement, l’immersion. Ce sont des sujets sur lesquels je travaille. Je veux faire un sujet sur les travailleurs de l’ombre des monuments de Paris et je prépare également une série sur les transports. Je les présenterai lorsqu’ils seront terminés.
SPF : Quels conseils donneriez-vous aux photographes de rue débutants qui souhaitent améliorer leurs compétences et affiner leur style ?
Paul : La première chose qui me frappe avec les nouvelles générations de photographes c’est de constater le volume de photos qu’ils peuvent prendre. J’ai entendu des photographes annoncer deux mille photos par sortie ! Ils s’imaginent qu’en shootant tout et tout le temps, il finira par en ressortir quelque chose. Mais ce n’est pas comme ça que ça marche ! J’ai grandi avec l’argentique et on faisait attention au déclenchement, les pellicules coutaient chers. Ce n’est parce que l’on a un mode rafale que l’on doit s’en servir ! Je dépasse rarement les cent photos sur une sortie et j’en rejette 80 % ! Donc apprenez à regarder, à composer et à shooter à bon escient. Soyez exigeant avec vous-même.
Enfin et surtout, faites-vous plaisir. Prendre des photos et les développer, c’est capturer et, si possible, sublimer un instant tout en laissant une petite empreinte de soi, aussi infime et insignifiante soit-elle. Alors amusez-vous !
