La rue, sans bruit – Interview avec Alain Cezard

Discret, attentif, profondément attaché à l’humain, Alain Cezard parcourt la ville sans jamais la brusquer. Membre de Street Photography France, il pratique la photographie de rue depuis plus de cinquante ans, avec la même exigence : laisser la vie se déployer et en saisir l’instant juste. Nourri par l’argentique et le noir et blanc, son regard privilégie l’atmosphère, les gestes ordinaires, les silences entre deux pas.

Dans cet entretien, Alain revient sur son parcours, sa relation au matériel, son approche éthique de la rue et cette quête constante de discrétion qui lui permet de ne pas rompre l’équilibre fragile des scènes urbaines. Une photographie humaniste, sensible, intemporelle, où la ville devient un théâtre de vies anonymes et pourtant universelles.

On pose les questions à Alain …

Dans cette interview, Alain Cezard partage avec nous son parcours photographique.

SPF : Comment avez-vous découvert la photographie de rue ?
Alain CEZARD : Un peu par hasard. Lorsque j’ai commencé la photo, comme beaucoup, je photographiais tout ce qui se présentait. Mais photographier un monument sans avoir personne devant l’objectif est compliqué. J’ai donc cherché à intégrer au mieux l’humain dans mes photos. Petit à petit, l’humain est devenu le sujet principal de mes photos.

SPF : Depuis combien de temps pratiquez-vous la photographie de rue ?
Alain CEZARD : Depuis le tout début. Cela fait donc une cinquantaine d’années. Mais je la pratique par intermittence, au gré de mes promenades en ville.

SPF : Avez-vous suivi une formation en photographie, ou êtes-vous autodidacte ?
Alain CEZARD : Comme beaucoup, j’ai fait mes premières armes au sein d’un club photo. Par la suite, j’ai eu la chance d’effectuer mon service militaire en tant que photographe d’un régiment où l’on m’a formé au reportage.

SPF : Quel matériel utilisez-vous pour la photographie de rue (appareil photo, objectifs, accessoires, etc.) ?
Alain CEZARD : Pendant très longtemps, j’ai pratiqué la photo de rue avec un Nikon FM2 équipé soit d’un 35 mm soit d’un 85 mm. Un cambriolage a eu raison de mon matériel argentique. Je suis donc passé au Nikon D300 avec des objectifs de 24 mm f/2,8 et 50 mm f/1,4 ainsi qu’un 10–20 mm et un 18–105 mm. Un Canon G5X complète mon équipement.

SPF : Avez-vous un équipement préféré pour la photographie de rue, et pourquoi ?
Alain CEZARD : Je reconnais que je porte peu d’importance au matériel et, bien qu’il soit un peu lourd, mon D300 avec le 24 mm ou le 50 mm me convient parfaitement. Certains considèrent qu’il faut un petit appareil pour rester discret. Je n’en suis pas persuadé.

SPF : Comment définiriez-vous votre style en photographie de rue ?
Alain CEZARD : Certains disent que mes compositions offrent une vision humaniste, peut-être. Je cherche juste à traduire en photo l’atmosphère du moment, la richesse de la vie urbaine.
Je travaille principalement en noir et blanc, peut-être en raison de mon passé nourri à la TRI-X. Dans le noir et blanc, dépouillée de toute couleur, l’image devient abstraction par le jeu des lignes, des formes, des éclairages et permet ainsi de révéler la richesse de la vie urbaine et les expressions de ceux qui y vivent.

SPF : Y a-t-il des photographes de rue qui vous inspirent ?
Alain CEZARD : Je pourrais faire une liste à la Prévert des grands noms de la photographie, cela ne serait pas d’une grande originalité. En ce qui me concerne, la photographie doit avant tout déclencher une émotion, peu importe l’auteur. Bien souvent, au cours d’une exposition, que ce soit dans une galerie ou un restaurant, certaines photos m’inspirent.

SPF : Pouvez-vous partager une de vos photos de rue préférées et raconter son histoire ?
Alain CEZARD : Actuellement, ma photo préférée serait celle que j’ai intitulée « les amoureux des bancs publics ». Cette photo a été prise au jardin du Luxembourg à Paris. Je traversais les jardins lorsque mon œil a été attiré par ce couple. J’ai déclenché sans réfléchir. Ce n’est que quelques mois après, en classant mes négatifs, que j’ai redécouvert ce cliché. À mon sens, elle fait partie de ces photos intemporelles, de celles qui arrêtent le temps.

SPF : Quels sont les défis auxquels vous êtes confronté en pratiquant la photographie de rue ?
Alain CEZARD : À mon sens, le défi majeur est d’être le plus discret possible afin de ne pas casser l’ambiance du moment.

SPF : Pouvez-vous partager une expérience mémorable que vous avez vécue tout en faisant de la photographie de rue ?
Alain CEZARD : Non, je n’ai pas de situation mémorable qui me vienne à l’esprit.

SPF : Comment gérez-vous les questions d’éthique liées à la photographie de rue, en particulier en ce qui concerne la vie privée des sujets ?
Alain CEZARD : Je ne me pose pas vraiment de question lorsque je déclenche. Si les personnes s’aperçoivent de ma présence, je fais un sourire, j’attends deux ou trois secondes une réaction de leur part et je déclenche. Ce n’est qu’au moment du post-traitement qu’il m’arrive de rejeter certaines photos qui pourraient porter préjudice aux personnes photographiées.

SPF : Avez-vous déjà eu des situations délicates en photographie de rue et comment les avez-vous gérées ?
Alain CEZARD : Non, les gens sont conciliants pourvu que nous ne soyons pas agressifs. Un sourire avant de déclencher ou une demande d’autorisation arrange beaucoup de choses.

SPF : Quels conseils donneriez-vous aux débutants qui souhaitent se lancer dans la photographie de rue ?
Alain CEZARD : Bien connaître son matériel, car la vitesse de réaction nécessaire pour saisir l’instant nécessite de ne pas hésiter sur les réglages ; il faut que le déclenchement soit instinctif.

SPF : Avez-vous des recommandations pour développer sa créativité en photographie de rue ?
Alain CEZARD : Jouer avec son appareil, essayer de nouvelles techniques, regarder ce que font les autres et s’en inspirer.

SPF : Avez-vous des projets ou des objectifs futurs en photographie de rue que vous aimeriez partager ?
Alain CEZARD : Les projets ne manquent pas. Je prépare actuellement une exposition qui devrait avoir lieu courant 2026 en Bretagne.

SPF : Prévoyez-vous de participer à des expositions ou des publications prochainement ?
Alain CEZARD : Comme ci-dessus, une exposition en 2026.

SPF : Comment avez-vous rejoint Street Photography France ?
Alain CEZARD : J’ai connu ce site par hasard sur Instagram au travers des concours organisés par SPF. Le sujet du concours était « l’instant décisif ».

SPF : Quels avantages trouvez-vous dans l’appartenance à cette communauté ?
Alain CEZARD : J’ai rejoint Street Photography France depuis trop peu de temps. Malgré tout, cela me permet de découvrir une grande diversité de regards très inspirante.

SPF : Avez-vous des projets ou des idées pour renforcer la communauté de Street Photography France ?
Alain CEZARD : Il n’y a rien de tel que des rencontres en présentiel. Dommage qu’il n’existe pas encore à Rennes ou Saint-Malo des rencontres comme il en existe à Paris.

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