Cécilia Turpin : observer sans juger, photographier pour comprendre
Dans les rues anonymes, certains regards voient plus que des passants. Ils perçoivent des fragments d’histoires, des émotions fugitives, des traces d’humanité qui se glissent entre les ombres et la lumière.
Cécilia Turpin fait partie de ces observatrices silencieuses. Membre de la communauté Street Photography France, elle arpente la ville comme on explore un monde intérieur — avec curiosité, respect et sensibilité.
Son appareil, un Ricoh discret, devient le prolongement de son regard : celui d’une femme en quête d’authenticité, fascinée par la différence, le mouvement et l’instant juste avant qu’il ne disparaisse.
Dans cet entretien, Cécilia Turpin partage son approche instinctive de la photographie de rue, son apprentissage autodidacte et la façon dont l’humain, toujours, reste au centre de son image.
Un voyage visuel où la rue devient scène, le quotidien devient art, et chaque regard croisé, une rencontre possible.
On pose les questions à Cécilia …
Dans cette interview, Cécilia Turpin partage avec nous son parcours photographique.
SPF : Comment avez-vous découvert la photographie de rue ?
Cécilia Turpin : On va dire qu’elle s’est naturellement imposée à moi. J’ai toujours été très observatrice du monde qui m’entoure. Non pas par jugement (observer les gens peut être mal perçu, on me l’a déjà reproché d’avoir un regard insistant), mais par curiosité et afin d’ouvrir mon esprit à toute différence physique, sociale ou comportementale possible. Il y a quelques années mes photos se limitaient à mon smartphone et les gens qui m’entourent, les paysages, sans message réel à transmettre. J’ai commencé à jouer avec mes enfants en essayant de donner des effets de mouvements et de colorisation partielle, ce qui m’amusait beaucoup. Puis, j’ai davantage observé les attitudes, les styles en me promenant dans la rue et là j’ai eu comme une révélation : ce qui me sautait aux yeux, c’était la façon dont peuvent se démarquer les gens les uns des autres… L’instant coup de cœur, un regard, une émotion, un style. J’ai acheté mon 1er Ricoh GR.
SPF : Depuis combien de temps pratiquez-vous la photographie de rue ?
Cécilia Turpin : Depuis 2 ans.
SPF : Avez-vous suivi une formation en photographie, ou êtes-vous autodidacte ?
Cécilia Turpin : Je suis totalement autodidacte, j’ai suivi pendant de longues heures des vidéos d’apprentissage des bases de la photographie, notamment Olivier Rocq et « À travers les yeux de Valou » qui m’a également beaucoup apporté sur l’utilisation du Ricoh. De plus, j’ai acheté des livres sur l’art de la composition en photo de rue.
SPF : Quel matériel utilisez-vous pour la photographie de rue (appareil photo, objectifs, accessoires, etc.) ?
Cécilia Turpin : J’utilise mon Ricoh GRIII. Son objectif fixe de 28 mm est idéal pour la photographie de rue. De plus, il est très compact et très discret dans la poche.
SPF : Avez-vous un équipement préféré pour la photographie de rue, et pourquoi ?
Cécilia Turpin : Pour l’instant je me limite à ce petit boîtier. Par ailleurs, j’aimerais investir prochainement dans un FUJIFILM X100 VI pour la définition du capteur et d’autres petits avantages que Ricoh n’a pas. Les deux peuvent se compléter. Sinon, je rêve d’un Leica… peut-être un jour…
SPF : Comment définiriez-vous votre style en photographie de rue ?
Cécilia Turpin : Je n’aurais aucune prétention à me définir un style… Pour le moment je n’en ai pas, mais je sais que je suis attirée par tout ce qui n’est pas conventionnel et j’y travaille. J’essaie plein de techniques en jouant avec la vitesse, j’aime beaucoup.
SPF : Y a-t-il des photographes de rue qui vous inspirent ?
Cécilia Turpin : Les moments décisifs d’Henri Cartier-Bresson, les gueules de Bruce Gilden et de Diane Beals que je trouve incroyables. Ils photographient la misère comme personne à mes yeux… Mais je n’en suis pas à m’approcher aussi près des gens, j’y travaille. J’aime beaucoup tout ce qui n’est pas conventionnel. La photo humaniste est celle qui m’inspire le plus. J’admire beaucoup le travail d’Ovidiu Selaru et de Nijat Kazimov.
SPF : Pouvez-vous partager une de vos photos de rue préférées et raconter son histoire ?
Cécilia Turpin : Mes débuts en apprentissage de la vitesse lors d’un week-end à Paris. J’ai attendu le passage d’une personne qui pourrait éventuellement être en paradoxe avec l’ambiance luxueuse des Champs-Élysées tout en créant un effet de flou de mouvement. J’étais très heureuse du résultat.
SPF : Quels sont les défis auxquels vous êtes confrontée en pratiquant la photographie de rue ?
Cécilia Turpin : Étant novice, le défi que je me suis lancée est de rapidement paramétrer les réglages de mon appareil suivant la scène que je souhaite mettre en valeur. Il faut être très rapide, enfin pour ma part, car je shoote souvent au coup de cœur. Et je souhaite me rapprocher encore plus des gens et même les interpeller…
SPF : Pouvez-vous partager une expérience mémorable que vous avez vécue tout en faisant de la photographie de rue ?
Cécilia Turpin : J’étais dans les rues de Marrakech, marchant devant un cabinet médical, et là je découvre une femme voilée qui passe avec son dossier dans les mains et qui l’utilise afin de se cacher du soleil et non de mon objectif. J’ai vu là plein de messages à travers cette photo.
SPF : Comment gérez-vous les questions d’éthique liées à la photographie de rue, en particulier en ce qui concerne la vie privée des sujets ?
Cécilia Turpin : Avec respect. Je reste discrète tout en respectant l’intégrité de la personne. Je cherche à mettre en valeur des personnes qui justement se démarquent de par leur personnalité. Pour moi, c’est une mise en valeur d’une différence qui me flashe aux yeux, et c’est souvent très instantané.
SPF : Avez-vous déjà eu des situations délicates en photographie de rue et comment les avez-vous gérées ?
Cécilia Turpin : Pour le moment, je n’y ai pas été confrontée.
SPF : Quels conseils donneriez-vous aux débutants qui souhaitent se lancer dans la photographie de rue ?
Cécilia Turpin : Pas forcément trouver un style pour le moment. Pour ma part, je n’en ai pas vraiment, je me cherche. Néanmoins, je sais ce vers quoi je suis attirée. Sortir, observer, lever la tête et rêver. Respecter les gens autour de soi.
SPF : Avez-vous des recommandations pour développer sa créativité en photographie de rue ?
Cécilia Turpin : Je dirais que ça commence par rester soi-même tout en s’inspirant de certains photographes qui nous font vibrer. Tout dépend de l’effet et du résultat recherchés. Certains priorisent les lignes et les cadrages parfaits, d’autres l’instant T, l’émotion d’une personne ou d’une situation sans forcément créer une photo « parfaite » au sens technique. Il n’y a pas de bonne ou mauvaise photo, tout est dans l’interprétation que l’on en fait.
SPF : Prévoyez-vous de participer à des expositions ou des publications prochainement ?
Cécilia Turpin : C’est un projet qui me tient à cœur, mais je le travaille encore car pour moi il doit être thématique et je dois encore trouver de l’inspiration et me sentir légitime.
SPF : Comment avez-vous rejoint Street Photography France ?
Cécilia Turpin : En découvrant cette communauté sur les réseaux sociaux, j’ai eu immédiatement envie de la rejoindre. Elle est d’une bienveillance et sans jugement. On nous porte dans notre passion, moi qui suis assez réservée et ai du mal à valoriser mes clichés.
SPF : Quels avantages trouvez-vous dans l’appartenance à cette communauté ?
Cécilia Turpin : Le partage entre nous. Le soutien, l’apprentissage, la mise en valeur de notre travail. L’inspiration que m’apportent les autres est primordiale dans mon ouverture d’esprit photographique.
SPF : Avez-vous des projets ou des idées pour renforcer la communauté de Street Photography France ?
Cécilia Turpin : Des rencontres, des rassemblements à Nantes avec d’autres membres ?

