Yves Auboyer : Un regard humain sur la photographie de rue

Découvrez Yves Auboyer, un photographe de rue autodidacte et membre de Street Photography France, dans une interview. Avec plus de quatre décennies d’expérience, Yves partage ses réflexions sur l’évolution de son art, son matériel de prédilection et son approche humaniste de la photographie. Découvrez le monde de la street photography à travers les yeux d’un passionné qui voit au-delà des apparences pour capturer l’essence même de la vie urbaine.

On pose les questions à yves…

Dans cette interview, Yves Auboyer partage avec nous son parcours photographique.

SPF : Comment avez-vous découvert la photographie de rue ?
Yves Auboyer : J’ai toujours apprécié prendre les gens en photo. Un jour, un ami m’a dit que ce que je faisais lui faisait penser au travail de Doisneau et m’a poussé à exposer mon travail que je ne savais pas être de la photo de rue. Avec le temps, je me suis spécialisé dans cette pratique sans pour autant délaisser les autres domaines de la photographie en général, notamment la photographie naturaliste.

SPF : Depuis combien de temps pratiquez-vous la photographie de rue ?
Yves Auboyer : Aïe… 45 ans ! En regardant dans le “rétro”, j’ai découvert mes premières images de street prises quand j’avais à peu près 10 ans, lorsque mon père m’a offert un vieux Minolta argentique très rudimentaire. Il était chargé avec des pellicules en noir et blanc, et on les développait dans le labo de mon père.

SPF : Avez-vous suivi une formation en photographie, ou êtes-vous autodidacte ?
Yves Auboyer : 100% autodidacte !

SPF : Quel matériel utilisez-vous pour la photographie de rue (appareil photo, objectifs, accessoires, etc.) ?
Yves Auboyer : Je suis passé par de nombreux boîtiers compte-tenu de la durée de ma pratique en la matière : Praktica, Minolta, Nikon, et enfin Leica. Sur les 3 premiers, j’ai principalement travaillé avec des 50 mm en focale fixe.

SPF : Avez-vous un équipement préféré pour la photographie de rue, et pourquoi ?
Yves Auboyer : Depuis 2016, j’ai définitivement adopté le Leica Q avec son 28mm fixe, exceptionnel pour ma pratique très proche des scènes que je cherche à mettre en valeur. J’ai suivi l’évolution de ce modèle : Q, Q2, Q3. Avec cette focale, vous n’avez pas le choix, et même si le Q3 permet maintenant de “cropper à mort” compte-tenu de sa très haute définition, je reste fidèle à ma pratique de proximité extrême : je vis la scène avec mes sujets.

SPF : Comment définiriez-vous votre style en photographie de rue ?
Yves Auboyer : Je suis un photographe “humaniste”. Même si cette pratique paraît vieillotte ou démodée, cela ne m’importe pas. Je suis touché par ce que je vois dans la rue, admiratif des gens, je les aime tout simplement et je souhaite que cela se voit dans mes images.

SPF : Y a-t-il des photographes de rue qui vous inspirent ?
Yves Auboyer : Je suis un grand fan d’Eliott Erwitt, ma référence absolue.

SPF : Pouvez-vous partager une de vos photos de rue préférées et raconter son histoire ?
Yves Auboyer : Question difficile. Il y en a tellement qui me font vibrer, même des années après la prise de vue ! D’ailleurs, mes images préférées ne sont pas forcément les plus appréciées des visiteurs de mes expos. Je crois que les gens manquent de temps pour apprécier le sens profond des images d’une manière générale.

Mais bon, puisqu’il faut en choisir une, en voici une qui me touche particulièrement :

Je l’ai nommée “Compagnons d’infortune”. Comme souvent, je suis attiré par les plus démunis, et si c’est plus fun de mettre en avant une image humoristique, je ne peux pas m’empêcher d’apprécier tout particulièrement mettre en avant les détails de la vie de ces personnes trop souvent “transparentes” pour la majorité de passants. Cette image est prise peu de temps avant Noël, en 2018, sur le parvis de la cathédrale de Chartres. J’avais repéré ce couple d’infortune faisant la manche avec leur petit chien habillé d’un joli gilet rose. J’ai passé un moment à leur “tourner autour”, faisant des allers et retours sur la place, puis dans la cathédrale, jusqu’au moment où je les ai vus plier bagages dans la brume de cette froide journée d’hiver. Je les ai suivis en déclenchant 2 ou 3 fois. La dernière image de la série a été la bonne, quand le chien a enfin bien voulu tourner légèrement la tête vers l’horizon, ses maîtres longeant la magnifique barrière jouxtant la cathédrale.

SPF : Quels sont les défis auxquels vous êtes confronté en pratiquant la photographie de rue ?
Yves Auboyer : Le principal défi est de savoir s’arrêter, car je suis tout simplement accro. Ça énerve régulièrement mon entourage qui ne comprend pas toujours pourquoi je m’acharne à ce point sur cette pratique !

SPF : Pouvez-vous partager une expérience mémorable que vous avez vécue tout en faisant de la photographie de rue ?
Yves Auboyer : La plus extraordinaire est sans aucun doute celle du garagiste d’Amboise. Les images ne sont pas forcément représentatives de la photo de rue in fine, mais je considère qu’elles le sont car j’ai repéré ce garagiste atypique dans la rue en 2000, un appareil chargé d’une pelloche diapos sur moi. Voyant le côté extravagant de ses sculptures pour partie exposées dans la rue, le reste dans son garage au milieu de vieux tacots Citroën, je lui ai donné rendez-vous le lendemain matin. Je suis revenu avec une pellicule noir et blanc, et j’ai bombardé… 36 pauses à l’époque. Je suis sorti de là avec une incroyable moisson d’images que j’adore encore aujourd’hui.

Ce garagiste, a fini par disparaître malgré sa grande sympathie et sa profonde empathie pour l’humain en général. Ses petits enfants m’ont contacté pour récupérer les images pour appuyer le dossier de sauvegarde du “Garage”. Cette démarche a abouti à la création de la médiathèque de la ville d’Amboise, “Le Garage”. En 2024, d’autres héritiers de la famille m’ont contacté pour publier mes images dans un ouvrage dédié à la famille !

L’histoire et les images ici : https://www.ouaf-ouaf.com/le-garagiste-damboise/

SPF : Comment gérez-vous les questions d’éthique liées à la photographie de rue, en particulier en ce qui concerne la vie privée des sujets ?
Yves Auboyer : Comme beaucoup je crois, je cherche à obtenir la confiance de mes sujets, d’un simple regard. Lorsque je le peux, j’interroge les personnes à postériori en leur demandant si elles veulent bien poser pour moi. La majorité du temps, elles acceptent, et finissent par signer une autorisation de publication après que je leur ai montré l’image prise à leur insu.

Quand cela n’est pas possible, j’agis toujours dans le respect de la dignité humaine, avec empathie, même si je suis parfois très moqueur !

SPF : Avez-vous déjà eu des situations délicates en photographie de rue et comment les avez-vous gérées ?
Yves Auboyer : En moyenne, un gros souci tous les 10 ans. Sur la durée, ça va ! Quoi qu’il en soit, si une personne ne veut pas être prise en photo, même si je suis dans mon bon droit parce que par exemple dans une manifestation publique, je supprime les images prises devant cette personne. Je reste poli et courtois, ce qui n’est malheureusement pas toujours le cas des sujets pris à leur insu… au pire, je me suis fait vider l’appareil de sa pellicule et me suis fait bousiller tout son contenu. Récemment, je suis tombé sur une personne hystérique qui voulait appeler la police et casser mon Leica. Elle avait saisi mon appareil et a plusieurs fois essayé de le jeter au sol. J’ai fini par le lui arracher et partir en courant ! Au regard de la quantité d’images que je prends, cela reste une infime partie de cas délicats, voire complètement tordus.

SPF : Quels conseils donneriez-vous aux débutants qui souhaitent se lancer dans la photographie de rue ?
Yves Auboyer : Allez-y, c’est une pratique passionnante ! N’ayez pas peur des gens, soyez confiants. La confiance se ressent et se partage. Si vous avez confiance en vous, les autres seront plus facilement enclins à vous accorder la leur. Et puis n’ayez pas peur de demander, le seul risque est un refus, et un refus n’a jamais tué personne.

SPF : Avez-vous des recommandations pour développer sa créativité en photographie de rue ?
Yves Auboyer : Apprenez les bases, la technique, la composition, etc… et votre démarche artistique pourra se révéler une fois que vous aurez dépassé les sujets techniques, qui au fond ne sont que des sujets mineurs.

SPF : Avez-vous des projets ou des objectifs futurs en photographie de rue que vous aimeriez partager ?
Yves Auboyer : J’ai toujours des dizaines de projets dans mes cartons. Cela me permet de travailler sur long terme sur des séries cohérentes. Par exemple, depuis plus de 5 ans, je travaille par moments sur une technique très disruptive alliant le flou, la surex, et un rendu proche de l’aquarelle. Première expo prévue cette été dans une galerie proche de Montbéliard, avec quelques images dans ce style au milieu d’une série de 50 images.

SPF : Prévoyez-vous de participer à des expositions ou des publications prochainement ?
Yves Auboyer : La liste de mes futures expos ici : https://www.ouaf-ouaf.com/expos-photos/

Un ouvrage en gestation pour fin 2024. Sujet top secret pour l’instant.

SPF : Comment avez-vous rejoint Street Photography France ?
Yves Auboyer : Après en avoir entendu parler sur Insta.

SPF : Quels avantages trouvez-vous dans l’appartenance à cette communauté ?
Yves Auboyer : L’échange, sans aucun doute. Je n’ai pas encore eu la chance de rencontrer mes confrères, mais j’attends ce moment avec impatience.

SPF : Avez-vous des projets ou des idées pour renforcer la communauté de Street Photography France ?
Yves Auboyer : Pourquoi ne pas prévoir un “pot d’accueil” des nouveaux ?

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